Les romans meurtriers

Tak-hwan KIM

Philippe Picquier

  • Conseillé par
    30 septembre 2015

    Ce n'est pas sans une certaine fierté que Yi Myeong-bang, dosa de la Haute Cour de Justice, conduit le romancier Cheong Un-mong vers la Porte Neuve où il doit être écartelé. Âgé de vingt ans à peine, bien né, guerrier émérite et déjà haut fonctionnaire, Yi vient de mettre un terme à une série de meurtres qui terrorisait les habitants de Joseon depuis trop longtemps; des meurtres signés, puisque près de chaque victime se trouvait un des nombreux romans de Cheong Un-mong. Arrêté, le romancier a bien sûr nié farouchement, mais sous la torture, il a fini par avouer ses crimes. Mais si Yi pense que cette exécution met un point final à son enquête, il se leurre. C'est ce que va essayer de lui prouver son ami Yanoi en l'introduisant dans le cercle de l'École de Baektap, un groupe de lettrés et de savants, tous des amis proches du condamné, et tous persuadés de son innocence. Ces érudits avant-gardistes, bien que cultivant divers talents, n'ont pas accès aux plus hautes fonctions de l'État, car issus, le plus souvent, de liaisons adultérines. Pourtant, ils apporteraient beaucoup au pouvoir en y introduisant de nouvelles idées et de nouvelles techniques. Admiratif, mais méfiant puisqu'il a tout de même arrêté et exécuté leur ami, Yi se plaît à les fréquenter et se lie avec Kim Jin qui lui sera d'une aide précieuse dans sa nouvelle enquête. Car, loin de s'arrêter, les crimes reprennent de plus belle, et au chevet des victimes, des oeuvres posthumes de l'écrivain écartelé. N'écoutant que son sens de la justice et son envie de plaire à la belle Miryeong, la soeur de Un-mong, Yi se lance sur la piste du vrai coupable.

    Pour qui l'histoire de la Corée du XVIIIè siècle est un obscur mystère, voici un polar historique qui fera office de guide dans les méandres de ce qui était à cette époque le Royaume de Joseon, prospère, florissant, et dirigé par Jeongjo, 22è roi de la dynastie Yi.
    Le livre est au coeur de l'intrigue puisqu'il s'agit là d'une période charnière où l'on commence à faire des copies sur bois. La lecture se démocratise et le roman devient une mode. Pourtant, le roi s'en méfie, les récits inventés sont pour lui sans intérêt, voire nuisibles. Ils sont donc interdits et vendus clandestinement. C'est dans ce contexte qu'ont lieu les crimes liés aux romans de l'écrivain le plus populaire du moment. Le dosa Yi, après une erreur flagrante et l'exécution d'un innocent, reprend son enquête, influencé et aidé par un groupe d'intellectuels qui représentent l'avenir du pays. Mais leur ouverture, leur modernité, leurs voyages en Chine ou au Japon et leurs origines sans noblesse les font mal voir par les gens de pouvoir qui complotent contre eux, surtout quand le roi envisage de leur confier la gestion de la grande bibliothèque. Le jeune Yi ne sait plus où donner de la tête. Doit-il soutenir ses nouveaux amis et continuer de les fréquenter ? Doit-il s'en éloigner pour sauvegarder sa réputation, comme on le lui conseille fermement ?
    Intrigues de palais, trahisons, meurtres et romans dans la lointaine époque de Joseon pour un polar historique très original et enrichissant qui gagne à être connu. Une bien belle découverte.