Le testament du bonheur

Robert Colonna d'Istria

Éditions du Rocher

  • Conseillé par
    10 septembre 2016

    Bon, on ne va pas se mentir, l'idée est géniale du début à la fin. Je me suis pris au jeu dès le début, dès la préface, et pourtant d'habitude, les préfaces ce n'est pas mon truc -quoique avec l'âge, je les lis de plus en plus et y trouve souvent beaucoup d'intérêt.

    Évidemment, les questions qui me taraudent c'est comment écrire une bonne chronique sur un livre, mais d'abord à quoi reconnaître un bon livre et qu'est-ce qu'un bon livre ? Pourquoi un écrivain prend-il la plume ? Qu'a-t-il à raconter qu'on ne sache déjà ? Comment le fait-il, avec élégance, style, originalité, avec pédanterie, en plagiant, ... ?

    Pas mal d'humour et de détachement de la part de Robert Colonna d'Istria qui écrit donc sur ces cinquante-deux bouquins. Il joue avec les noms des auteurs qui semblent tous être -je n'en ai pas vérifié l'entièreté- des anagrammes de son propre nom, preuve s'il en fallait une qu'il est à la fois auteur et critique des ces œuvres pas encore nées. Il joue également avec le thème, comme cet auteur Don Isabel Torr-Catrion qui publie un guide des meilleurs restaurants... imaginaires, guide évidemment imaginaire lui aussi. Et qui est ce Bessaguet, personnage récurrent dont on ne connaît pas grand chose mais qui fait autorité dans pas mal de domaines ?

    Loin d'être élitiste, son ouvrage s'adresse à tous et donne envie de découvrir certains des livres critiqués -que le vote sera dur ! Il commence très fort avec plusieurs qui me plaisent véritablement : Antonio Barlits-Records écrit des textes sur les grands auteurs qui finissent avec des mots inventés, des néologismes à peine compréhensibles mais qui apportent un rythme et du son. Ron-Aristote Binoclard reprend à son compte une anecdote racontée par Michel Déon pour en faire un roman. Orso Breton-Ti-Cardinal écrivain peu connu publie son journal finalement peu original mais d'une grande liberté. Tristan-Odilon Orbarec écrit lui sur l'attente, la contemplation pendant qu'Ariston Broint d'Arcole entreprend la biographie d'un homme de l'ombre, L'illustre Méconnu, de laquellle je tire cet extrait qui me ravit : "Être né à Romorantin n'est pas donné à tout le monde. C'est le premier cadeau que le personnage d'Ariston Broint d'Arcole reçut de ses parents. Il est né dans cette bourgade solognote, au quartier de la Tuilerie, le 11 novembre 1918 : la Première Guerre mondiale finissait, il commençait. Le reste de sa vie ne fut ainsi qu'une suite de bienheureux hasards. Certains ont le don d'être là au bon moment." (p.58).

    Parfois cependant, il tombe dans certains travers qu'il décrit si bien : "Sous l'étiquette de "livre", il a réuni un fatras informe, désordonné, qu'il a dû estimer spirituel mais est en réalité lassant." (p.117). "Vaille que vaille on y trouve sa petite musique, monotone -au sens propre, qui joue toujours sur les mêmes tons-, comme un solo mélancolique, désuet et vaillant, qui parfois tourne sur lui-même..." (p.122) La critique est dure et sûrement trop pour le livre de Robert Colonna d'Istria qui a beaucoup de qualités et qui globalement m'a plu, mais certains passages, certaines chroniques sont longs et un brin répétitifs et reprendre ses propos -certes un peu forts- pour son bouquin me semblait si ce n'est original du moins logique.

    Une petite remarque avant de finir tout à fait, les derniers paragraphes sont pour moi superflus, qui expliquent certaines choses que le lecteur comprend ou devine au long du texte et qu'il a même plaisir à comprendre et découvrir, se sentant hyper intelligent -enfin, là, je parle pour moi.

    Il n'empêche que le livre de Robert Colonna d'Istria est à découvrir, il ne ressemble à rien de ce que j'ai lu jusqu'ici et ça me plaît bien. Et puis, la cerise sur le gâteau, c'est de pouvoir choisir un titre parmi les cinquante-deux qui sera publié. Sortir de la banalité des romans de la rentrée, c'est aussi à cela que sert cet ouvrage.